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Le temps du dédain

Published on 12 April 2017 - Updated 09 May 2022

Baignade interdite

La seconde moitié du XXème siècle voit un changement radical s’opérer dans les relations des riverains avec leur fleuve. Crainte de la noyade, pollution, vision utilitariste, c’est au cours des années 70 que domine à l’égard de la Loire un sentiment de dédain. 

Dans les années 70, le Val de Loire comme les autres régions a connu depuis la seconde guerre mondiale une phase de développement importante. Pour autant, tous les équipements ne sont pas présents ou pas achevés. Le système d’assainissement des villes, parfois défaillant, induit une qualité des eaux médiocre en été. 

Par ailleurs, les noyades annuelles incitent les autorités à interdire des pratiques impossibles à sécuriser en dehors des lieux surveillés. On impose alors des emplacements propices et délimités. 

Dans les années 1950 (1941 à Tours), les premières piscines découvertes sont créées. Ouvrages en durs, alimentés par une eau plus propre, ils réutilisaient parfois des ouvrages de navigation désaffectés. Elles disparurent à leur tour dans les années 60-70 au profit des piscines couvertes construites au cœur des villes, rompant tout lien avec le fleuve. 

Soucieux de prévenir noyades et infections, l’interdiction de la baignade en Loire se généralise. Des arrêtés municipaux (en 1966 à Orléans) ou préfectoraux (1976 en Indre et Loire) sont pris un peu partout et en deux décennies le fleuve et ses plages sont désertés par les baigneurs. 

De l’eau pour refroidir

A partir des années 60, une nouvelle utilisation du fleuve voit le jour. La Loire et ses affluents sont un lieu du développement de la production d’électricité en France. Les eaux utilisées pour l’exploitation de leur force motrice depuis le début du XXème siècle seront désormais source de refroidissement pour les centrales nucléaires. 

Les rivières du bassin de la Loire et le fleuve lui-même ont avec la production d’électricité une histoire de plus d’un siècle. Entre 1895 et 1927, 18 barrages hydroélectriques seront ainsi construits, surtout sur l’amont du bassin. Certains ont depuis été détruits.  

L’histoire du nucléaire civil français associe à ses débuts les bords du Rhône (le site de Marcoule est crée en 1956) et de la Loire. En 1963, à Avoine est mise en service la centrale dite de Chinon. A ce site ligérien s’ajoutent ensuite ceux de Saint-Laurent des Eaux (1969), de Dampierre-en-Burly (1980) et de Belleville-sur-Loire (1987). 

La Loire peut faire ainsi figure sur moins de 1000 km (d’Issarlès à Cordemais), de synthèse de l’histoire de l’énergie électrique. 

Les centrales nucléaires ont besoin d’un système de refroidissement important qui fonctionne avec de l’eau provenant de la mer ou d’une rivière. Le circuit comporte le passage de l’eau dans des tours dites aéro-réfrigérantes. Le panache blanc des centrales nucléaires est ainsi constitué par l’évaporation d’une partie de l’eau utilisée pour refroidir la centrale. Ce n’est pas de la fumée résultant d’une combustion mais de l’air humide. 

La hauteur des tours de refroidissement a parfois pu être limitée pour des raisons esthétiques, comme à Saint-Laurent des Eaux, pour qu’elles ne puissent être vues des terrasses de Chambord. 

Enfin, le principe du soutien d’étiage mis en place avec les retenues de Villerest et Naussac est conçu pour maintenir un débit minimal de 60m3/seconde à hauteur de Gien de façon à garantir le fonctionnement des circuits de refroidissement des centrales en aval. 

Cette nouvelle utilisation de la Loire, source aussi de conflits et d’oppositions parfois vifs,  a paradoxalement suscité un regain d’intérêt pour le fleuve. 

Des quais pour…automobiles

Le déclin puis l’arrêt de la circulation marchande sur le fleuve entraine aussi des modifications d’usage et parfois l’abandon pour les quais et les espaces portuaires. En ville, le fleuve et ses berges sont perçus au siècle dernier comme une barrière, comme un obstacle au développement urbain, comme une friche à réutiliser d’une façon ou d’une autre. 

A partir des années 1950, la progression de l’urbanisme investit au plus près les berges de la Loire. Le risque d’inondation n’est parfois pas pris en compte. Les quais ne sont plus des lieux de travail, d’animations ou de spectacles comme autrefois, l’automobile est reine. 

Axes routiers rapides ou simples parkings, ces nouveaux aménagements gagnent les bords du fleuve. Ainsi dans l’agglomération tourangelle, l’emprise de l’ancien canal de liaison du Cher à la Loire est utilisée pour le passage de l’autoroute A10. A Saumur, Blois et Orléans notamment, les espaces des quais, à proximité immédiate du centre-ville, deviennent des parkings. 

Aujourd’hui, les nouveaux projets d’aménagement et d’utilisation de ces espaces renouvellent les relations des villes au fleuve. Même si les usages strictement utilitaristes tendent désormais à disparaître au profit d’une forme de réappropriation permanente ou événementielle, de nombreux exemples de cette époque demeurent  visibles. 

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